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Adolescence psychanalyse et sciences affines

6ème colloque de l’ARCAD

 

« Les voyages forment-ils la jeunesse ? » Qu’il s’agisse d’un voyage proche et familier ou dans des contrées éloignées et inconnues, voyage préparé, ou coup de tête, seul ou en groupe, qu’il s’agisse d’un voyage intérieur, dans les méandres de l’introspection adolescente, ou qu’il s’agisse d’un voyage immobile dans les mondes hallucinatoires (le « trip » sous produits), imaginaires ou numériques (livres et Jeux Vidéo), la figure de l’adolescence, fantastique, toute-puissante, mégalomane, héroïque, immortelle et triomphante, ne peut se penser dans l’immobilité ! Les fondements des théories de l’adolescence ne sont pas très loin. Ce sont elles qui insistent toujours sur la dimension processuelle, dans des acceptations, évoluant entre pubertaire et adolescents, confrontation à la sexualité nouvelle sous le sceau de l’archaïque génital entre impasse et accès au projet de subjectalisation, contraignant l’adolescent à effectuer un travail de création, qui se conçoit comme un « voyage ». Les investissements tant narcissiques qu’objectaux, se construisent progressivement dans un parcours allant, de la scène familiale opposant l’adolescent aux figures parentales potentiellement toxiques, vers d’autres scènes « ailleurs », scènes sociétales, culturelles et « touristiques », comme autant de voyages initiatiques au plaisir de penser et à la rencontre de la complémentarité.

Historiquement, les pèlerinages et Croisades ont fondé les sociétés. Ontologiquement, le voyage participe-t-il du processus adolescent ? Inscrit dans l’Histoire, la temporalité, dans l’espace ou dans la pensée, le voyage questionne le processus d’historicisation et de mise en récit du soi adolescent (par les mots : carnets de voyage, journaux intimes ; ou les images : graffitis sur les trajets quotidiens ou bien selfies aujourd’hui !) Le voyage se retrouve dans les mythes (Œdipe marche à l’encontre de son Père) ainsi que dans les productions culturelles actuelles autour de l’adolescence. Combien d’œuvres chères à la jeunesse mettent en scène le voyage dans le temps (de Retour vers le Futur à Project Almanach), dans l’espace (de 2001, l’Odyssée de l’espace à l’Odyssée… de Pi !), en 3D, etc ? Le voyage s’inscrit donc dans divers registres de la « migration adolescente » (F. Richard).

Dans le registre psychopathologique, le voyage nous convoque, du côté de l’errance et de la fugue, mais aussi du côté des séjours thérapeutiques et du « dépaysement psychique » dont ils tracent la voie. Sans oublier les adolescents qui ne peuvent pas partir, se séparer, quitter le refuge infantile et symboliquement assouvir les pulsions meurtrières et sexuelles. L’adolescent en crise narcissique et identitaire, court le risque de ce voyage « immobile ». Il témoigne de son incapacité à voyager dans sa réalité psychique, mais aussi dans le transgénérationnel, dans le chaos de ses expériences traumatiques passées ou actuelles, en produisant des actes, en agissant des conduites dangereuses. L’adolescent en souffrance est phobique du voyage : replié sur son corps propre, ressenti comme douloureux, honteux, étranger, le voyage intérieur le pousse à se concentrer sur la nécessité funambulesque de le mettre à l’épreuve, de l’attaquer pour mieux le sentir, le contrôler. Seul, sans aide extérieure, l’adolescent est condamné à mort : fin du voyage !

Enfin, comment ne pas interroger le voyage en psychothérapie, chez l’adolescent mais aussi chez le psychanalyste qui se met à rêver avec lui. Le processus thérapeutique lui-même n’est-il pas, pour Freud, conçu comme un voyage auquel invite la consigne de l’association libre : « Donc, dites tout ce qui vous passe par l’esprit. Comportez-vous à la manière d’un voyageur qui, assis près de la fenêtre de son compartiment, décrirait le paysage tel qu’il se déroule, à une personne placée derrière lui. » (1910) ?

ARCAD invite, cette année, au « voyage adolescent »…

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